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28 avril 2013 7 28 /04 /avril /2013 12:45
Martine GOZLAN - Marianne | Mercredi 27 Mars 2013

 

Son regard de défi et sa poitrine dévoilée sur laquelle elle avait tagué  « Mon corps m’appartient, il n’est l’honneur de personne »ont semé l’admiration et la colère. Le courage d’Amina Tyler, première Femen de Tunisie, n’a d’égale que la tragédie qui l’entoure. Elle avait disparu, enlevée par sa famille, après avoir été  hébergée par des amis. J’ai  pu la rencontrer, quelque part dans le pays profond, loin de la capitale, avec l’accord de sa mère qui n’a autorisé aucune photo. 

Aujourd’hui, la jeune fille n’est pas libre de ses mouvements et de ses contacts, bien que majeure. La famille plaide sa « fragilité psychologique » pour la couper du monde. On lui donne beaucoup de médicaments. Des antidépresseurs à haute dose. C’est aussi, curieusement, la thèse de certaines féministes tunisiennes. Le cas Amina sent d’évidence le soufre pour la génération précédente. J’ai trouvé une jeune fille lasse, à la fois engourdie par un traitement médical et ferme sur sa volonté de retrouver sa liberté d’action. Nous n’avons pas pu parler seule à seule, sa mère tenant à garder « par amour » le contrôle de sa fille. Récit.

 

J’ai retrouvé Amina, la Femen tunisienne
«  Je veux pouvoir revenir à la vie normale, je veux pouvoir téléphoner, me connecter à Internet et retourner au lycée… » 

Amina parle d’une voix faible, épuisée. Cette voix contraste avec les voix fortes, éclatantes, parfois assourdissantes qui fusent autour de nous, dans le salon d’une maison familiale, loin de Tunis, dans une ville que je ne nomme pas, par sécurité car le geste d’Amina, la premiere Femen de Tunisie, la seconde du monde arabe après l’Egyptienne Aliaa al-Maghdy, a entrainé des menaces  de mort des salafistes. Le dévoilement d’un sein qui symbolise en France, depuis deux siècles, le fier élan de la belle Marianne républicaine pulvérise ici  le tabou suprême sur le corps des femmes.    

Depuis plusieurs jours, nous ne disposions que de rumeurs à propos d’Amina. Personne ne pouvait plus la joindre depuis que sa famille l’avait enlevée, en plein jour, devant un café de l’avenue Habib Bourguiba. Voici trois jours, son avocate Bochra Belhadj Hmidi, a fait savoir à l’Agence France Presse qu’Amina allait bien et se trouvait de son plein gré dans sa famille. 

Cette façon d’aller bien au cœur d’un silence de plomb ne m’a pas convaincue, pas plus que Caroline Fourest qui, saisie du même pressentiment logique, a titré sur son blog du Huffington Post « Non, tout ne va pas bien ». La réalisatrice Nadia el Fani, elle, a affiché dimanche, buste nu, et bras tatoué d’un « Pour Amina » sa solidarité sur Facebook. 

Depuis mon arrivée à Tunis, je vais d’une info contradictoire à l’autre. Le seul relais semble être Bochra l’avocate. Son message : « Il faut la laisser tranquille, elle est en sécurité avec sa famille, elle se repose. » 

Je contacte Ahlem Belhadj, psychiatre, et présidente de l’Association tunisienne des femmes démocrates. Elle appuie cette thèse et affirme qu’Amina est revenue dans sa famille de son plein gré. Très énervée par l’affaire, elle tient à souligner « la position officielle de l’association » : « Le geste d’Amina, ce n’est pas une méthode de lutte qu’on a l’habitude d’employer mais on a le respect des personnes et nous sommes solidaires contre toutes les formes de violence qu’elles peuvent subir. Et je ne dirai pas un mot de plus sur cette histoire… »J’apprendrai plus tard qu’Ahlem Belhadj fait partie des médecins qui « suivent » Amina. Elle ne l’a cependant pas revue depuis son enlèvement : « je n’ai jamais été au courant de cet enlèvement »… 

Je rencontre ensuite Zyed. C’est le jeune photographe qui a réalisé les photos d’Amina seins nus. Lui aussi est menacé de mort, pas seulement depuis le scandale. Les salafistes lui ont cassé les côtes il y a quelques mois. Il ne marche plus qu’un énorme sac sur son dos : « Au cas où on voudrait lui tirer dessus par derrière comme on a tué Chokri Belaid… » explique Soraya, une de ses amies. Zyed est un rebelle. Il a aussi réalisé des photos de femme en burka. Sa Tunisie  a 20 ans et ne veut pas de l’étouffement. Sa Tunisie a cru à la liberté conquise et s’est retrouvée otage de ceux qui l’ont volée. Zyed a hébergé la jeune fille après que les menaces de mort et les appels à la lapidation des salafistes aient fusé. Il est révolté par la  violence qui s’est exercée contre elle quand on l’a enlevée. 

J’appelle la mère d’Amina au téléphone. « Amina est calme, elle dort, son psychiatre dit qu’il faut l’éloigner de tout ce qui peut l’énerver, la déranger ». La mère parle d’Amina comme d’un nourrisson : « Elle dort sur mes genoux, elle ne veut pas me quitter une minute ». Elle me passe sa fille qui me répond brièvement et me confirme qu’elle accepte de me voir. 

La description donnée par sa mère, la voix sourde d’Amina contrastent de façon saisissante avec la fierté de la photo aux seins nus, le regard de défi et le discours remarquablement structuré de son interview sur la chaine Attounisia. Elle parlait de la culture qui forge la liberté, elle rappelait qu’acheter un livre de Nietzsche ne coûtait que quelques dinars. 

Après une longue route dans une Tunisie profonde, esseulée, à travers des départementales jalonnées de centaines de bidons d’essence trafiquée en provenance de Libye, j’arrive dans un quartier typique de la classe moyenne. Deux oncles, une tante, la mère enfin, qui porte le hijab, m’ouvrent la porte. Immédiatement, ils se présentent par leur profession et précisent : « Nous sommes des gens éduqués : institutrice, professeur d’histoire, ingénieur, nous avons des diplômes… » 

On veut me faire comprendre que  ce n’est pas une histoire d’illettrés. Je le sais bien depuis hier et les réactions ambigües des féministes : le geste d’Amina a eu le génie de débusquer les bloquages terribles des conservateurs comme de ceux qui se disent émancipés.    

Où est Amina ? La voici, elle les domine de sa haute taille, son visage est fatigué, elle ne sourit pas. Tout le monde parle, elle se tait. Un jean, un polo, pas de maquillage. La famille est volubile. Il faut interroger doucement Amina pour que sa voix émerge du vacarme et des paroles qui semblent se substituer à la sienne avec un amour que sa famille ne cesse de scander : « Elle n’a pas disparu ! Elle est chez nous ! Comment sa propre famille pourrait-elle lui faire du mal, crie la tante, la famille ! Il n’y a pas mieux que la famille ! » 

La mère manifeste à la fois sa hantise du dehors« pour les filles bien qu’il faut garder à la maison, loin des influences extérieures, j’ai peur… » et son rêve de l’ambition car nous sommes en Tunisie, au cœur de paradoxes féminins vertigineux : « Je veux que ma fille devienne avocate ou journaliste comme vous ! Je veux qu’elle ait son propre argent plus tard ! »

L’oncle résume le tourment majeur des hommes de cette famille et des femmes qui les suivent, qui se pressent dans ce salon où des éclats de rire, une distribution d’orangeade et de gateaux, une offrande de dragées et de fleurs d’un mariage tentent de tisser une atmosphère normale : « On ne veut pas qu’elle soit un corps. Notre famille appartient au monde arabe ! Notre famille refuse qu’elle se déshabille ! Chez nous, c’est l’esprit qui s’impose, ce n’est pas le corps ! » 

Rien n’est normal, je suis assise au cœur du tumulte familial et du silence de l’individu Amina. J’interviens, je vais au delà de la réception passive des phrases, je leur dis que pour des dizaines de milliers de gens, l’acte d’Amina c’est un acte libre, d’esprit libre. 
Au moins, elle entend cela, la silencieuse. 

Elle entend très bien, elle me questionne sur le 4 avril: 

« C’est quoi exactement ? » 
« Une journée de solidarité. Il y a 100 mille personnes qui ont signé la pétition pour toi »

La mère intervient à nouveau : 

« Je veux protéger ma fille alors que chacun veut exploiter ses gestes. Loin de sa famille, elle est menacée. Par la drogue, par les influences, par les salafistes, par tout le monde. » 

Un autre oncle parle : 

« Elle est soignée pour des problèmes psychologiques, elle n’est pas responsable de ses actes, elle a fait ça sur pression, elle est influençable comme une enfant. » 

Il la serre contre lui : 

« Donne-moi un bisou ! » 

Cette conversation est difficilement supportable. Que se passe-t-il en ce moment dans la tête et le cœur d’une jeune fille cernée par des proclamations d’amour protecteur et d’infantilisation ? Que se passe-t-il quand on devient un objet après avoir été l’auteur d’un acte qui clame la volonté féminine de devenir sujet ? 

Parle moi, Amina. Sors de leur tumulte. 

« Tu te sens bien, mal ? » 

Sa voix lasse, mais précise : 

« Non, je ne peux pas communiquer avec l’extérieur. Ma famille m’accepte, moi, mais pas mon acte. Je suis fatiguée, on me donne des anti-dépresseurs. Je veux dire aux Femen bon courage. Restez toujours les plus fortes féministes du monde. Pour moi, la réaction de la société n’est pas encourageante.Je veux reprendre mes études, je ne me sens pas libre. Je souhaite pouvoir retéléphoner librement à mes amis. Me connecter à Internet. Retourner au lycée »

Les voix montent à nouveau. 

« Pouvons-nous parler un moment tranquillement, Amina et moi ? » 

Ils se lèvent tous. Sauf la mère. Elle ne veut pas nous laisser un seul instant. 

« Tu as été enlevée, tu le confirmes ? » 
« Quand ils m’ont trouvée, je n’ai pas eu de problème avec ma mère ni ensuite avec mon père. Mais mon cousin, lui, m’a frappée devant le café pour m’emmener. Il a cassé la puce de mon téléphone… »
 

La mère intervient : 

« Je verrai ma fille aller en enfer et je ne ferai rien ? Le cousin a voulu m’aider ! Ne parle pas de lui ! » 

Amina poursuit calmement : 

« Si, je veux parler de lui. Nous sommes allés ensuite dans la maison de ma tante et là, j’ai été obligée de me servir d’une bombe à gaz, comme on en utilise dans les agressions, pour me protéger du cousin. Enfin, mon père est arrivé. Il m’a embrassée. Et je suis restée trois jours dans une autre maison. J’avais besoin de téléphoner, d’informer Inna, j’ai fait beaucoup de choses pour contacter Inna. » (Inna est la militante des Femen ukrainienne, l’une des fondatrices du groupe) 

Amina continue. Elle répète : 

« Je veux revenir à la vie normale. Je veux étudier, téléphoner, me connecter à Internet. » 

Je me tourne vers sa mère : 

« Alors ? Pourquoi lui avez-vous enlevé tout moyen de communiquer ? Elle est majeure ! » 
« Mais c’est mon enfant ! Elle a besoin de calme, de réfléchir. Dans un mois ou deux, je lui rendrai son téléphone et internet. » 

Nouvelle intervention de l’un des deux oncles : 

« Nous considérons que son geste a été obtenu sous la contrainte, qu’elle est irresponsable. Nous allons attaquer en justice ceux qui l’ont amenée à ce geste. Le retour au lycée, ce sera après l’avis des médecins psychiatres. » 

Je regarde la jeune fille : 

« Amina, tu as mis la photo parce que tu as subi une influence comme le dit ta famille ? » 

Elle répond de sa voix faible mais claire : 

« Non. » 

Ce « Non ,» je l’emporte avec moi, avec le sourire, l’unique sourire d’Amina quand je lui ai dit en guise d’au revoir que tant de monde admirait son courage. Elle a même ri sur le pas de la porte avec une très vieille dame, la grand-mère d’un des oncles, qui s’amusait à se cacher un œil avec son voile noir. 

L’air libre a envahi la voiture en reprenant la route de Tunis. Ce n’était pas une délivrance. Plutôt une asphyxie. Je sentais en moi étouffer Amina.  
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Published by coutoentrelesdents - dans LUTTES GENRE
24 avril 2013 3 24 /04 /avril /2013 14:36

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Published by coutoentrelesdents - dans GENRE LUTTES
22 avril 2013 1 22 /04 /avril /2013 10:54

par Louis-Georges Tin 
20 avril 2013

En guise d’appel au rassemblement du 21 avril contre l’homophobie, à 15H00 Place de la Bastille à Paris, nous republions ces réflexions de Louis-Georges Tin, extraites de l’indispensableDictionnaire de l’homophobie qu’il a coordonné en 2003. Elles constituent une très utile synthèse sur un discours qui, loin d’avoir disparu, ne cesse de se reconstruire à mesure qu’il est déconstruit, réfuté et délégitimé – un discours en fait qui, comme le discours raciste, devient de plus en plus bavard et teigneux, dans la mesure justement où ses préceptes ne vont plus sans dire...

Autrefois, la rhétorique homophobe était relativement pauvre. Certes, elle disposait d’un lexique assez riche : sodomite, inverti, pédale, tante, lopette, tapette, tribade, brouteuse, gouine, gousse, etc. Mais elle se contentait d’une syntaxe très rudimentaire, réduite à quelques injures (« sale pédé ! »), anathèmes ( « Que leur sang retombe sur eux ! » ) et maximes ( « les lesbiennes sont des mal-baisées » ). Elle n’excédait guère les limites de la phrase, car une phrase suffisait : tout était dit, et tout le monde semblait d’accord. Évidemment, la pauvreté relative de ce discours n’enlevait rien à sa puissance et à son efficacité, au contraire. Simplement, il n’était pas besoin d’en dire davantage.

Un « bon sens » en crise

Or, depuis un siècle, et notamment dans ces dernières années, la rhétorique homophobe a dû se perfectionner. Non pas qu’elle soit plus violente ou plus virulente que jadis, mais incontestablement, elle est aujourd’hui plus sophistiquée qu’hier : sa syntaxe s’est étoffée, les concepts se sont affinés. Surtout, fait nouveau, elle est devenue consciente d’elle-même, ce qui témoigne d’une nouvelle donne dans l’espace rhétorique. Jusqu’alors, le discours homophobe se croyait unanime, ou à peu près : il était donc vérité, évidence et transparence à soi. Or, depuis peu, l’évidence partagée est devenue opinion discutable, et discutée.

Cette double expérience de l’adversité et de la réflexivité a suscité dans le discours homophobe un certain malaise, et pour tout dire une crise profonde. Il est entré, non pas en récession, mais en mutation : il a dû ajuster ses outils linguistiques à la situation nouvelle, pour à la fois justifier ses présupposés idéologiques, remodeler son image sociale et combattre ses adversaires politiques. Sans renoncer pour autant au pathos,au fantasme, à l’irrationnel et à l’émotion, qui furent longtemps ses ressorts et moyens ordinaires, il a dû élaborer une rhétorique du logos apparemment plus rationnelle, et du moins plus argumentée : la rhétorique homophobe a désormais des habits neufs.

Mais qu’est-ce donc que ce discours homophobe ? À vrai dire, c’est un objet étrange et difficile à circonscrire. En effet, il ne constitue pas un corpus linguistique stable que parlerait un groupe social plus ou moins identifié, comme le sont par exemple le discours chrétien, le discours marxiste ou le discours psychanalytique, qui ont leur rhétorique propre, leur doctrine officielle, leurs textes de référence et leurs porte-parole patentés. Il est plutôt un ensemble de bribes éparses, de phrases et de formules tout à fait hétérogènes, prononcées ici et là, dans tous les milieux, par-delà tous les clivages, par tout le monde en général et personne en particulier, et parfois même, sans y penser, par des personnes qui, au fond, ne sont pas homophobes, ou ne pensent pas l’être.

Bref : ce discours omniprésent est en même temps tout à fait évanescent, mais il peut du moins être objectivé et ramené aux quelques lieux ordinaires où il puise l’essentiel de ses arguments. Ces lieux, pour reprendre le vocabulaire de l’analyse rhétorique, sont en quelque sorte des réservoirs où chacun peut trouver la matière nécessaire pour étayer ses thèses.

Versions savantes

Les lieux pseudo-théoriques constituent l’armature « savante » du discours homophobe. Leur importance relative dans le dispositif argumentatif n’a cessé d’augmenter dans les dernières années. Ils sont de plus en plus sollicités, pour euphémiser et durcir à la fois les prises de position les plus conservatrices. Ainsi instrumentalisées, ces théories permettent à ceux qui les invoquent de donner à leur discours une apparence de neutralité qui puisse être perçue comme objective, scientifique et, par conséquent, véridique. De la sorte, les positions partisanes les plus violentes réussissent à se faire passer pour des discours d’expertise.

Toutefois, les sciences ou disciplines les plus utilisées ne sont plus aujourd’hui les mêmes qu’autrefois :

- jadis, le discours homophobe recourait surtout aux lieux théologiques, moraux ou médicaux (péché, débauche, nature et contre nature, maladie ou tare, tels étaient les éléments récurrents de la commune phraséologie) ;

- depuis quelques décennies, les disciplines volontiers invoquées sont plutôt la psychanalyse, la sociologie et l’anthropologie (narcissisme, perversion, altérité, ordre symbolique, différence des sexes, tels sont donc les concepts désormais à l’honneur).

Signe des temps : lorsque périodiquement, les autorités catholiques entendent renouveler la condamnation séculaire de l’homosexualité, elles évitent judicieusement ces violentes images, si fréquentes autrefois, Sodome et Gomorrhe consumées par les flammes, et recourent de préférence à la psychanalyse, dont elles maudissaient naguère les discours jugés obscènes et permissifs.

Versions profanes

Mais la rhétorique homophobe emprunte aussi à certains discours moins savants, les lieux communs au sens technique, qui relèvent plus de l’opinion générale que de la science officielle.

Le premier est sans doute le lieu de l’hétérosexisme. C’est en quelque sorte la croyance profonde en une téléologie hétérosexuelle du désir, qui finalise a priori l’individu : sauf accident ou influence maligne, tout enfant est et sera hétérosexuel, l’homme est fait pour la femme, et surtout, la femme est faite pour l’homme.

Ces certitudes implicites se fondent sur une sorte d’anthropologie populaire que relaient largement la théologie, la biologie et la psychanalyse. C’est l’image d’une improbable psychodicée de l’hétérosexualité, et cet hétérosexisme de bon aloi exclut implicitement tout désir homosexuel :

- au mieux, l’homosexualité ne peut être qu’une étape, un passage avant un plein accomplissement hétérosexuel ;

- au pire, un accident fatal en cours de route.

De là l’homophobie stricto sensu, qui est au fond le sentiment inquiet que l’homosexualité met en danger cette finalité hétérosexuelle du désir, et ce, à tous les niveaux : le fléau rampant menace l’individu, le couple, la famille, la nation, et même l’espèce humaine qui, frappée de stérilité par cette contagion homosexuelle, pourrait bien disparaître de la surface de la Terre.

De ce fait, plus encore qu’un marginal, l’homosexuel, homme ou femme, est perçu comme un traître, puisqu’il s’oppose au groupe, et constitue même le péril des périls. S’organisant avec ses congénères, car ils sont partout, il ourdit et complote, il forme des lobbies, il fait du prosélytisme, et représente pour ainsi dire une menace universelle...

Or, cette rhétorique du discours homophobe se fonde bien souvent sur une misogynie foncière, dont elle est largement solidaire. Dans cette perspective, puisque rien n’est si avilissant pour un homme que de ressembler à une femme, l’image de l’homme homosexuel est évidemment celle de l’efféminé, qui inspire mépris et quolibets ; à l’inverse, si la femme homosexuelle semble plus masculine, c’est là une orgueilleuse et scandaleuse imposture puisqu’elle refuse de rester à la juste place que lui assignait sa condition première.

Fondements sexistes

Or, les images de la rhétorique homophobe sont singulièrement réversibles et malléables :

- on reprochera à l’homme homosexuel d’être peu viril ;

- mais on pourra aussi lui reprocher de l’être trop, et son goût pour le sport ou la musculation est jugé artificiel, inauthentique ;

- quant à la femme homosexuelle, si elle est féminine, justement, elle l’est trop pour être honnête, et ses charmes ont quelque chose de vénéneux et de diabolique ;

- l’homme doit être viril, ni trop ni trop peu, et la femme doit être féminine, ni trop ni trop peu, mais si d’aventure les personnes homosexuelles se cantonnent à un présumé juste milieu de virilité ou de féminité, c’est encore pire car elles sont soupçonnées de vouloir se fondre dans la masse pour mieux tromper le monde (et finalement, on se surprend à préférer la folle, plus reconnaissable, et en ce sens plus rassurante).

Bref, aucune mesure ne saurait convenir.

Tendances xénophobes

La rhétorique homophobe s’appuie fréquemment aussi sur les discours xénophobes : vice italien au seizième siècle, vice anglais aux dix-huitième et dix-neuvième siècles, vice allemand au début du vingtième, l’homosexualité a été diversement perçue par les Français. Bien entendu, elle est toujours le fait de l’étranger, de l’autre, mais pas de n’importe quel autre. Elle est en général le fait de la nation rivale et dominante du moment. Ces discours permettent de formuler vis-à-vis du pays concurrent ainsi stigmatisé l’hostilité et la haine qui ne demandent qu’à s’exprimer. Ils constituent une sorte de compensation symbolique qui rabaisse sexuellement une puissance à tous égards angoissante.

Cette convergence des discours homophobes et xénophobes est-elle chose révolue ? Sans doute pas :

- en Afrique noire, l’homosexualité est bien souvent présentée comme un vice lié aux Blancs, opinion dont les effets furent parfois très sensibles dans la (non-)prise en charge du sida, ressenti comme une affaire d’homosexuels, et donc de Blancs (en l’occurrence, la haine du Blanc et le mépris pour l’homosexuel se confortent mutuellement) ;

- de même, en France, l’américanisation vraie ou supposée des milieux homosexuels est bien souvent un argument à charge (l’homosexualité, n’est certes pas présentée comme vice américain, mais le mode de vie gai et lesbien, rapporté au communautarisme anglo-saxon, est perçu comme une influence américaine terrible mettant en péril la France et son modèle républicain) ;

- à l’inverse, outre-Atlantique, les études gaies et lesbiennes, dans la mesure où elles s’inspirent des travaux de Foucault, Derrida ou Cixous, par exemple, sont souvent présentées comme des recherches sous influence française, l’argument ayant pour but de disqualifier par avance leur légitimité intellectuelle.

Homophobie et haine sociale

Enfin, la rhétorique homophobe s’accorde parfois aux discours de haine sociale : vice bourgeois pour les prolétaires du dix-neuvième siècle, l’homosexualité était pour le bourgeois d’alors le fait des classes laborieuses, toujours immorales, ou de l’aristocratie, forcément décadente.

Ces représentations sociales aujourd’hui atténuées trouvent cependant une forme de résurgence, par exemple dans le discours de certains jeunes de banlieues qui veulent voir dans la culture gaie et lesbienne une sorte de désinvolture bourgeoise, un goût de luxe et de luxure spécifique aux classes aisées, un mode de distinction sociale, bien entendu infâme, ce dont témoignent certaines figures historiques du ragga, du rap ou du reggae, pour lesquelles les discours homophobes constituent une stratégie récurrente permettant l’affirmation d’une masculinité « naturelle », populaire et survirilisée.

De même, dans les années 1980, l’émergence du sida a réactivé les discours de haine et de peur à l’égard des homosexuels, ces « populations à risque » trouvant là un juste châtiment. « Aids cures fags », scandent régulièrement les slogans de la droite religieuse aux États-Unis, c’est-à-dire, le sida guérit les pédés... par la mort, bien sûr. Dans le monde entier, nombreux furent ceux qui préconisèrent des pratiques obligatoires, le dépistage ou le tatouage, le « sidatorium » ou la quarantaine. Dans ces conditions, le sida permit de manière opportune de justifier et de renforcer les discours d’exclusion à l’égard des homosexuels.

Dans un autre genre, les débats sur le Pacs ont également suscité des arguments de haine sociale aux accents néo-poujadistes, mettant en cause les homosexuels, leur aisance financière supposée [1] leurs exigences fiscales évidemment démesurées, et cela, bien entendu, au détriment du contribuable. Le slogan plusieurs a été maintes fois entendu :

« Allons-nous payer pour les pédés ? »

Cette logique économique, dont le modèle a été quelque peu oublié, remonte au moins au siècle précédent. Mais aux États-Unis, ces discours ne faiblissent pas : à l’instar des juifs, les homosexuels sont souvent présentés comme une minorité surpuissante dominant Hollywood, les médias, l’économie, la politique. Dans ces conditions, les revendications concernant l’égalité des droits (par l’abrogation des lois anti-sodomie, par exemple, ou par la reconnaissance du mariage gai et lesbien) apparaissent comme un privilège exorbitant qu’il faut bien sûr leur refuser, leur puissance hégémonique étant déjà trop établie.

Étiquetage et injonctions

Tous ces lieux divers constituent la matière de l’argumentation homophobe. Mais ils doivent encore être mis en forme selon des stratégies diverses qui sont autant de pièges rhétoriques.

Tout d’abord, les stratégies de définition. Dans ces discours, l’homosexualité est bien souvent définie de manière autoritaire, quoique subtile : au nom de l’étymologie, elle est dite amour du même, narcissisme, repli sur soi ; elle est donc refus de l’altérité, fermeture et ghetto, etc. Ainsi mise en œuvre, cette stratégie permet de dérouler toutes les conséquences voulues à partir d’une simple définition, elle enferme les êtres dans leur essence présumée, et s’avère d’autant plus payante qu’elle semble anodine et strictement fondée en raison.

Une fois posée, ou plutôt imposée, explicitement (in praesentia) ou implicitement (in absentia), la définition peut devenir une arme redoutable, une structure mentale absolue, principe de vision et de division du monde social. De façon habile, elle est subrepticement étendue à d’autres réalités tout à fait différentes et hétérogènes : c’est l’amalgame. L’homosexualité devient ainsi synonyme de pédérastie, de pédophilie, de perversion, de débauche, de drogue, de sida, ou de stérilité... – la confusion trahissant moins la faiblesse que la force cynique d’une rhétorique volontairement impertinente.

Ensuite, l’injonction simple. Par rapport aux stratégies de définition, elle consiste à définir non pas ce qu’est l’homosexualité, mais ce qu’elle devrait être. C’est l’injonction à la virilité, à la féminité, à la discrétion, à la chasteté, à la sublimation du désir sexuel, etc., car évidemment, le discours homophobe est un discours normatif. Intériorisées dès l’enfance, les règles qu’il édicte ont un pouvoir de coercition mentale considérable.

Plus subtile, mais non moins efficace, est la double injonction, ou verrouillage alternatif. Cette stratégie rhétorique consiste à proférer successivement des injonctions contradictoires selon les nécessités du temps. Ainsi :

- l’injonction à la normalité fut longtemps un motif privilégié du discours homophobe ;

- mais lorsque d’aventure, certaines associations s’avisèrent de demander la reconnaissance légale du couple homosexuel, cette revendication qui, apparemment, allait dans le sens souhaité fut alors critiquée dans la mesure où elle risquait, disait-on, de mettre en péril la norme sociale.

De la sorte, ceux-là même qui avaient exhorté les homosexuel(le)s à la normalité, leur reprochaient désormais leur volonté d’intégration sociale, les exhortant au contraire à être plus subversifs.

Le débat sur la parentalité fit apparaître un fonctionnement analogue :

- les homosexuels furent souvent accusés d’être des individus « égoïstes », refusant de participer à la reproduction de l’espèce ;

- mais lorsque certaines lesbiennes réclamèrent le droit à l’insémination artificielle, lorsque les couples homosexuels réclamèrent le droit à l’adoption, ce désir fut également jugé « égoïste », et on leur demanda de « faire le deuil de leur désir d’enfant ».

Bref : qu’ils veuillent des enfants, ou qu’ils n’en veuillent pas, les homosexuels n’en demeurent pas moins égoïstes . Qu’ils obtempèrent ou non aux injonctions, ils se trouvent nécessairement en défaut :

- s’ils vivent au grand jour, on leur demande d’être discrets ;

- mais s’ils sont discrets, c’est qu’il y a là quelque chose de honteux, d’innommable, etc.

La dialectique du débat est toujours verrouillée de tous côtés.

Culpabilisation

Autre stratégie, la culpabilisation. En effet, le discours homophobe peut compter en bonne partie sur les effets rhétoriques de la honte qu’il suscite et entretient : de peur d’être stigmatisées comme telles, de nombreuses personnes homosexuelles sont prêtes à entendre sans rien dire les formules les plus violentes ou les plus insultantes du discours social.

Et même lorsque, après un long travail sur soi, elles croient s’être débarrassées de ce sentiment de honte, il subsiste néanmoins sous une forme atténuée qui les rend particulièrement accessibles à la mauvaise conscience, à l’autocensure, à l’argument de l’effet pervers, si caractéristique du discours réactionnaire, ou à celui du sacrifice. Ainsi, elles renonceront à certaines libertés individuelles fondamentales, pour ne pas gêner, pour ne pas choquer, pour ne pas mettre en péril cet ordre symbolique ou moral qu’on leur oppose fort aisément. Elles accepteront les renversements sophistiqués les plus extravagants :

- exclues du groupe, victimes de l’intolérance, elles se laisseront accuser d’intolérance et d’exclusion ;

- acculées à la clandestinité, elles accepteront le reproche de dissimulation ;

- luttant contre l’homophobie, elles se verront accuser de l’attiser davantage.

Le bénéfice tactique de ces stratégies rhétoriques n’est que trop évident puisqu’elles conduisent ces personnes à s’exclure d’elles-mêmes du champ des revendications et discours légitimes.

Dénégations

La dernière stratégie du discours homophobe consiste à se nier soi-même en tant que tel. Cette dénégation, bien connue sous sa forme la plus grossière, « je ne suis pas homophobe, mais... », connaît plusieurs degrés d’expression.

La plus radicale est le négationnisme, par exemple celui des nombreuses associations d’anciens combattants qui, longtemps, ont refusé le fait de la déportation homosexuelle, et tout autant, en bonne logique, le caractère homophobe de ce refus.

Moins extrêmes, mais bien plus courantes sont les tentatives de minoration. Elles n’ignorent pas vraiment les pratiques homophobes, mais savent les relativiser, de manière aimable et souriante : les brimades des cours de récréation ne sont que jeux d’enfants, les discriminations existent, certes, mais il y a tant de problèmes plus importants, etc.

Dans cette logique, une certaine forme d’optimisme, ou d’ignorance, conduit certaines personnes, parfois même de bonne foi, à se faire les apôtres de la démobilisation, en avançant des formulations aux relents équivoques : selon elles, l’homophobie est le fait de pays lointains, plus ou moins arriérés, ou d’époques révolues. Si elle existe encore, ce ne peut être que de façon résiduelle, et elle sera bientôt résorbée par le progrès moral, bien entendu continu et irréversible, ce qui rend dérisoires, déplacées, voire déplaisantes les incessantes revendications des associations homosexuelles...

Quelques mots pour conclure sur la situation du discours homophobe aujourd’hui. Confronté aux revendications gaies et lesbiennes, il a dû modifier ses procédures, euphémiser parfois ses discours tout en les durcissant par le recours aux sciences humaines. Pour le reste, dans ce processus de modernisation si l’on peut dire, il conserve ses affinités historiques et structurales avec l’hétérosexisme, la misogynie, la xénophobie et tous les discours de haine sociale en général, selon des stratégies rhétoriques maintes fois éprouvées. Pour autant, il demeure un objet diffus, difficile, délicat, car au fond, il est moins un discours qu’un climat linguistique dont les effets ordinaires se ressentent même en l’absence de prise de parole effective.

Effets sociaux

C’est là un point capital, sans doute difficile à comprendre pour ceux qui n’en ont jamais fait l’expérience, mais de fait, l’homophobie sociale crée les conditions symboliques d’une insécurité morale permanente, dont l’injure ou l’anathème ne sont jamais que l’épiphénomène.

Au-delà des propos divers tenus ici et là, sans parler même des violences physiques bien souvent perpétrées, la rhétorique homophobe réside moins dans les discours posés que dans les discours possibles, qui obligent celles et ceux qui en sont la cible potentielle à les redouter constamment, pour mieux les éviter, les anticiper, les repousser, ou les intérioriser – quotidienne rigueur dont le coût moral ne saurait être sous-estimé.

Toutefois, le discours homophobe commence à trouver ses limites : au bout du compte, en l’absence de toute rationalité, il ne peut plus guère que recourir à la redondance tautologique (« mais voyons, un homme, c’est un homme ! »), ou à la transcendance ésotérique (Dieu, l’ordre moral, naturel ou symbolique...). Quoi qu’il en soit, il se sent désormais obligé de se justifier, ce qui est déjà, pour lui, une petite défaite...

p.-s.

Ce texte est extrait du Dictionnaire de l’homophobie, paru sous la direction de Louis-Georges Tin aux Presses Universitaires de France en 2003. Nous le publions avec l’amicale autorisation de son auteur. Le titre et les intertitres sont rajoutés par le collectif Les mots sont importants.

Éléments bibliographiques sur la rhétorique, l’homophobie et la rhétorique homophobe :

Angenot Marc, La Parole pamphlétaire, Paris, Payot, 1982.

Delor François, Homosexualité, ordre symbolique, injure et discrimination : Impasses et destins des expériences érotiques minoritaires dans l’espace social et politique, Bruxelles, Labor, 2003.

Éribon Didier, Réflexions sur la question gay, Paris, Fayard, 1999.

Goffman Erving, Stigmate, Paris, Minuit, 1975.

Grahn Judy, Another Mother Tongue, Gay Words, Gay Worlds, Boston, Beacon Press, 1990.

Hirschman Albert O., Deux Siècles de rhétorique réactionnaire, Paris, Fayard, 1991.

Larguèche Évelyne, Injure et sexualité, Paris, PUF, 1997.

MacKinnon Catharine, Only Words, Cambridge, Londres, Harvard Univ. Press, 1996.

Reboul Olivier, Langage et idéologie, Paris, PUF, 1980 ; La Rhétorique, Paris, puf, 1983.

notes

[1] Sur ce fantasme, et son absence de fondement, cf. notamment Thierry Laurent et Ferhat Mihoubi, « Moins égaux que les autres ? Orientation sexuelle et discrimination salariale en France », et Luc Peillon, « Salaires : être homosexuel se paye »

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22 avril 2013 1 22 /04 /avril /2013 10:47
Les anti Mariage pour tous sont représentatifs d'une France effrayée et méfiante, écrit la presse internationale, qui s'inquiète des récentes agressions homophobes à Paris.
Dessin de Kroll, Belgique.Dessin de Kroll, Belgique.
La tension monte en France au moment où le projet de loi pour le mariage pour tous revient en seconde lecture à l’Assemblée nationale,écrit le Daily Telegraph. Le quotidien rapporte le florilège de propos lancés par les anti : "Hollande veut du sang, il en aura", de la "blonde peroxydée" Frigide Barjot ou encore "le coup d’Etat législatif" de l'orateur du groupe UMP sur le projet Taubira Hervé Mariton. Sans oublier bien sûr, "vous êtes en train d’assassiner des enfants"lancé par le députéUMP Philippe Cochet à l’Assemblée nationale le 18 avril. Autant de propos révélateurs d’un climat on ne peut plus tendu entre les pro et anti Mariage pour tous. 

Le correspondant d’El Pais dresse de son côté un rapide portrait des anti, représentatifs de cette France "bigote et inquiète, provinciale et parisienne à 50% et blanche à 99% (...) Une mobilisation qui s’est habilement camouflée par une mise en scène de type Disney, des habits et des pancartes couleur pastel. Qui, au nom de la pluralité et du respect, s’est autoproclamée Manif pour tous." 

Le journaliste espagnol écrit : "la France, la nation qui a inventé les droits de l’homme est aujourd’hui un pays effrayé et méfiant où prolifèrent les phobies. L’islamophobie a envahi la campagne électorale. Le racisme et la xénophobie […] font partie du langage courant. Et l’homophobie a commencé à montrer son visage le plus violent depuis que François Hollande a décidé de lancer la nouvelle loi sur le mariage homosexuel". 

Miguel Mora fait référence aux agressions homophobes qui se sont récemment produites en France. 

Celle perpétrée le 7 avril à Paris contre Wilfred de Bruijn et son compagnon, ont fait réagir la journaliste américaine Janine di Giovanni,dans The Daily Beast : "Je ne peux pas m’empêcher de penser à la montée du fascisme en Europe dans les années 30 et à la façon choquante dont les personnes les plus civilisées perdent soudain la tête face à ce qu’elles estiment différent. Les êtres humains font de la résistance au changement. A l’époque c’était le socialisme ou le communisme qui ont entrainé des bandes de voyous dans la rue. Aujourd’hui, ce sont les droits des homosexuels". 

Reporter de guerre, la journaliste écrit que cet acte homophobe est intervenu au moment où l’on célébrait l’anniversaire du génocide rwandais: "Je ne fais pas de comparaison, mais en triant de vieilles photos d’il y a 19 ans, et en me souvenant des morts entassés, de l’odeur de la mort dans ce lieu torturé, il est difficile de tolérer ce que les humains peuvent se faire les uns aux autres. J’ai eu cette même impression écœurante quand j’ai regardé le visage brutalisé de Bruijn."

Au Québec (où le mariage homosexuel est légal depuis 2004), une blogueuse écrit sur montrealgazette.com : "Je n'irai pas en vacances à Paris parce qu'on ne sait jamais. Peut être qu'en descendant un boulevard avec une amie, je serais frappée ou tuée parce que je suis lesbienne. Je reste donc dans la Nouvelle-France, mon magnifique Québec, qui est bien plus évolué et tolérant que ce pays que nombre de mes ancêtres ont quitté".
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20 avril 2013 6 20 /04 /avril /2013 14:15

L'integralité de l'article en provenance de l'excellent blog zones subversives en cliquant sur l'image!

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18 avril 2013 4 18 /04 /avril /2013 14:11

15 avril 2013 par valerie | Classé dans Crêpage de chignon. 

A l’été 2012, deux stars de l’équipe de football de Steubenville aux Etats-Unis violent une jeune fille en plein coma éthylique. Le viol a été filmé et transmis sur les réseaux sociaux et commenté en temps réel.  Un garçon présent sur la video pourrait être poursuivi pour non dénonciation de crime. Sur la video, la victime est décrite comme unemorte qu’on viole et sur laquelle on urine. Les deux violeurs  ont été jugés en mars et condamné l’un à un an de prison, l’autre à deux. Une nouvelle enquête pourrait avoir lieu pour établir quelles autres personne pourraient éventuellement être poursuivies. Suite à sa plainte et au procès, la victime a été insultée sur tous les réseaux sociaux. Une journaliste de CNN a fait un plaidoyer larmoyant sur la vie des jeunes violeurs, gâchée.

Rehtaeh Parsons était une jeune canadienne de 17 ans. Lors d’une soirée arrosée il y a deux ans, elle a été violée par 4 garçons qui ont pris des photos qu’ils ont diffusées sur le net. Elle a été harcelée, a reçu des propositions sexuelles explicites. Ses parents ont du déménager mais le harcèlement a continué. La photo prise n’a pas suffi à mettre en examen les coupables. Rehtaeh a tenté de se suicider le 4 avril et est morte le 7. Lorsque le collectif Anonymous a commencé à enquêter, il a découvert que beaucoup de gens savaient, qu’aucun n’avait parlé.

Audrie Mott avait 15 ans. Elle a subi un viol collectif l’an dernier et s’est suicidée quelques jours plus tard, après avoir vu les photos du viol sur Internet. Trois mineurs ont été arrêtés il y a quelques jours. Aujourd’hui un adolescent non identifié a dit que les photos n’avaient jamais été publiées sur le net ; elles sont seulement été vues par les personnes présentes à la fête. On en conclut que tout va bien.

Culture du viol. Culture du viol. Culture du viol.

Je vous vois hausser les yeux au ciel. Qu’est ce qu’elle nous emmerde encore avec ca. Quelle culture ! On condamne le viol sévèrement, on est tous contre le viol (d’ailleurs on est contre la guerre et le meurtre aussi) alors pourquoi vient-elle nous parler de culture.

okay. Disons nous que ce ne sont que des adolescents un peu désaxés, mal éduqués et ivres. okay. Mais que disons-nous des adultes qui savaient, du coach qui savait, des amis qui savaient, de la journaliste de CNN qui les a plaints, des milliers d’internautes qui ont insulté une des victimes ? Si on est tous contre le viol, si tous on n’a pas tendance à blâmer la victime et innocenter les coupables, alors pourquoi ?

Est-ce que cela tient encore l’excuse du « m’enfin on condamne tous le viol ».

Est ce qu’on condamne tous le viol quand une femme sur 5 sera victime au cours de sa vie de violence sexuelle.
Est ce qu’on condamne tous le viol quand on sait qu’en France seulement 1 femme sur dix porte plainte tellement elle a honte ?
Est ce qu’on condamne tous le viol lorsqu’on encense le talent d’un type qui drogue et fait boire une gamine de 13 ans pour la sodomiser ?
Est ce qu’on condamne tous le viol lorsqu’un comique dit à une victime dont la justice a estimé qu’elle avait bel et bien subi une agression sexuelle qu’elle a trop attendu pour porter plainte ?
Est ce qu’on condamne tous le viol lorsqu’on rend un verdict plus que clément dans un procès où les coupables ont tellement fait preuve de leur repentir qu’ils se sont moqués de la victime ?
Est ce qu’on condamne tous le viol lorsque des policiers reconnus coupables de viol sur une prostituée prennent du sursis ?
Est ce qu’on condamne tous le viol lorsqu’on dit que le viol conjugal n’existe pas ?
Est ce qu’on condamne tous le viol lorsqu’on menace toute femme qui parle un peu fort de viol ?
Est ce qu’on condamne tous le viol lorsqu’on explique que le violeur a descirconstances atténuantes ?
Est ce qu’on condamne le viol lorsqu’on pense qu’une femme a été violée mais que c’est aussi la plus grande chance de sa vie ?
Est ce qu’on condamne tous le viol lorsqu’on peut remplir des pages et des pages de ce site ?

La tentation est grande d’explique que la culture du viol n’existe que dans ces pays lointains là ; l’Inde (pensez ils sont frustrés , faisons 20 articles sur le difficile réveil de l’Inde face au sujet tabou du viol et surtout ne vendons plus de billet à des femmes seules qui voudraient y aller, ces connasses inconscientes), l’Egypte (pensez ils sont frustrés, faisons 20 articles sur la spécificité de la frustration égyptienne et le fait de ne plus envoyer nos femmes journalistes là-bas), la banlieue (vous avez compris le principe).

Et les Etats-Unis c’est loin aussi ; ils sont tous tarés là-bas. Pas chez nous on vous dit.

La vérité est qu’on ne condamne pas le viol. On condamne un viol qui n’existe pas, fantasmé, d’une vierge violée dans un lieu public en plein jour.

Laide ? Impossible que quelqu’un ait voulu de toi. Réjouis toi plutôt. (Nafissatou Diallo)
Jolie ? Tu ne l’aurais pas un peu cherché ? (Lara Logan)
Grosse ? Rêve pas personne aurait voulu. (Une des victimes de Créteil)
Féministe ? Tu mens, tu es trop pathétique. (Andrea Dworkin)
Jeune ? Oui enfin elle faisait pas si jeune. (Samantha Geimer)
Violée par un homme révéré par certaines ? Une frustrée (Mémona Hintermann)
Pute ? Une pute violée, hahaha. (toutes les putes violées).
(…) == ici figureront les excuses données au viol en commentaires.

Et si on se posait simplement la question. Est-on tous contre le viol ? Avec quelques 50 000 viols par an ? Quasi aucune victime qui porte plainte ? Remarque dorénavant les violeurs le disent à leur place. Ou et comment en est on arrivé à ce que des gens se sentent tellement innocents, tellement légitimes qu’ils puissent poster des photos d’eux, visage, découvert, en train de violer ? Comment diantre m’explique-vous cela ? Une bonne grosse généralité de type « l’homme est un loup pour la femme, hop réglé on bouffe quoi ce soir ».
Alors le viol c’est peut-être pas dans votre culture mais c’est bien dans la mienne.

tiré de http://www.crepegeorgette.com

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16 avril 2013 2 16 /04 /avril /2013 10:44

« On ne peut traverser le pont d’Avignon sans rencontrer deux moines, deux ânes et deux putains. » Ce célèbre adage médiéval témoigne de la vitalité du « plus vieux métier du monde » dans la cité des papes. Mais bien d’autres villes de France peuvent se targuer d’une telle réputation. S’il est certain que l’Église et l’État exploitaient les bordels et prostituées déclarées, rien n’atteste qu’ils géraient la totalité des 3000 bordels parisiens du 15e siècle, et des 40 000 prostituées parisiennes du 18e siècle, pour la plupart clandestines.

BIBLIOGRAPHIE :
  • Jacques Rossiaud, La prostitution Médiévale, édition Flammarion 1988
  • Brigitte RochelandetHistoire de la prostitution du Moyen Age au XX° siècle, édition Cabédita 2007
  • Séverine Fargette travaille sur le thème « Violence, justice et société en France au Moyen Age ». Elle prépare une thèse sur le conflit entre armagnacs et bourguignons (1407-1420).
  • Erica-Marie Benabou, « La prostitution et la police des mœurs au XVIIIe siècle »
  • Charles Jérôme Lecour« La Prostitution à Paris et à Londres »
  • Alexandre Parent du ChâteletDe la prostitution dans la ville de Paris, considérée sous le rapport de l’hygiène publique, de la morale et de l’administration : ouvrage appuyé de documents statistiques puisés dans les archives de la Préfecture de police
  • Jean-Marc BerlièreLa police des mœurs sous la IIIe République. Limites et réalités d’une « Police Républicaine »
Les causes anthropologiques

L’Église contrôle la sexualité pour garantir des héritiers légitimes

Le Moyen-âge s’étend sur près d’un millénaire, de 476 (chute de Rome) à 1453 (fin de la guerre de Cent-Ans). Compte tenu du rôle de l’Église dans la prostitution, il est utile de marquer son début en France avec la conversion chrétienne (496) de Clovis, roi des Francs. Ce baptême marque en effet le début du lien entre le clergé et la monarchie française, dorénavant le souverain règne au nom de Dieu et seuls ses descendants légitimes (fils conçus dans le mariage) peuvent accéder au trône. La légitimité passe par la foi catholique et par les liens sacrés du mariage (seul garant de la reconnaissance de paternité). On remarquera qu’au Vatican, l’âge du mariage est aujourd’hui encore de 14 ans pour les filles, il était de 12 ans jusqu’au début du XXe siècle. Fort de l’autorité divine, le clergé catholique se donne comme mission sociale de réglementer la sexualité (virginité & chasteté). Cette réglementation se colore à la fois du rôle sexuel pervers attribué à la femme dans la chute biblique de l’homme (la pomme d’Ève) et d’une application confrontée aux débauches et contingences de l’époque (la paternité n’est plus garantie). Inutile de dire que la prostitution n’a officiellement pas droit de cité.

En croisade contre le sexe

Durant ce millénaire, pas moins de 25 conciles, dont quatre des conciles du Latran, vont en effet exiger la chasteté avant le mariagecondamner le plaisir sexuel et interdire les positions qui ne servent pas uniquement à la procréation. Toutefois, malgré les nombreux interdits et exigences de l’Église, tous les actes sexuels illicites se pratiquent, et pas toujours en cachette, loin de là! Ainsi en est-il de la prostitution, une pratique hautement dénigrée par l’Église, et pourtant répandue à travers toute la France, y compris par les bons offices des religieux et religieuses, avec le soutien dévoué de la noblesse…

Pour prévenir les viols collectifs

Le terme « viol » n’apparaît qu’au XVIII° siècle. Avant on parle d’efforcement ou de défloration si le viol a lieu sur une femme vierge. Le viol est très courant à l’époque médiévale, cependant peu de plaintes sont à noter : peur des représailles, honte sur la famille… Ces viols sont le fait des jeunes hommes. En bande, ces jeunes citadins « chassent la garce ». On les appelle les « hommes joyeux ». L’affirmation de la virilité entraîne fréquemment un déchaînement de violence et se traduit par des viols collectifs commis sur des femmes isolées et faibles, réputées communes. Soucieuses d’éviter ces dérapages, les autorités encouragent l’essor d’une prostitution officielle. La prostitution est un phénomène de sécurité publique et donne satisfaction aux pulsions les plus enfouies. Comme certains le disent, la prostitution est un mal nécessaire. Les prostituées ont une responsabilité sociale : défendre l’honneur des femmes « d’estat » (femme de vertu) et lutter contre l’adultère. Le prostibulum peut être alors considéré comme une institution de paix où les jeunes tempèrent leur agressivité.

Femmes sans maris, femmes sans honneur

Les femmes victimes de ses viols sont rarement des fillettes car l’homme sera réprimé très sévèrement, ni des femmes de milieu aisée car cela peut être parfois considéré comme un crime. Le plus souvent, les victimes sont des femmes célibataires, des veuves ou des épouses délaissées, des femmes qualifiées de déshonnêtes car elles n’ont plus de marisSeul le statut d’épouse ou de mère est valorisé et reconnu. Ces femmes sont souvent issues de milieux démunis, servante ou épouse d’ouvrier car la sanction sera faible voire inexistante. Par conséquence, La femme est diffamée par le viol, elle y perd son honneur (la Fame Publica). Ainsi, une femme célibataire aura des difficultés à trouver un époux et une femme sera vraisemblablement abandonnée par son mari.
Une nécessité sociale de la chrétienté

Un mal nauséabond pour prévenir la fornication et l’adultère

À partir de la fin du XIIIe siècle, et ce, jusqu’au XVe, le métier est vu plutôt comme une pratique immuable. La tradition chrétienne considère la prostitution comme un moindre mal nécessaire. Les Pères de l’Église en témoignent, d’Augustin d’Hippone au IVe siècle qui estime qu’elle est naturelle et permet de protéger les femmes honorables et les jeunes filles du désir des hommes, jusqu’à Thomas d’Aquin au XIIIe siècle, qui juge qu’elle est nécessaire à la société comme les toilettes à une maison :

« Cela sent mauvais, mais sans elle(s), c’est partout dans la maison que cela sentirait mauvais. »

 La prostitution est d’ailleurs tellement naturelle que, pour plusieurs théologiens, il est préférable qu’une femme y pousse son mari plutôt que de consentir à certains rapports sexuels considérés, eux, comme de graves péchés. Dans une perspective du moindre mal, ces femmes sont sacrifiées pour un bien supérieur, l’ordre public. Souvent, en effet, c’est la permanence des viols par bandes organisées qui amène les municipalités à se poser la question d’organiser la prostitution afin de canaliser l’agressivité sexuelle des hommes.

Les bordels de l’Église, un mal naturel pour éviter le péché

Au Moyen Âge, les responsables de l’ordre public, municipalités, seigneurs laïcs ou ecclésiastiques (évêques, abbés et pape), organisent progressivement la prostitution,déjà à partir du XIIe siècle, et surtout à partir du XIVe siècle, en tirant un profit financier. On trouve même des bordels possédés par des monastères ou des chapitres. La prostitution est toujours considérée comme naturelle, comme un moindre mal. Au cœur des cités méridionales, les maisons de fillettes, les châteaux gaillards et autres maisons lupanardes deviennent des institutions municipales, entretenues et inspectées par les consuls. On précisera que la majorité sexuelle est toujours de 12 ans au Vatican (elle était de 11 ans en France en 1832). En Italie du Nord, les autorités expliquent même que le recrutement de prostituées attirantes permettra de convaincre les jeunes gens de se détourner de l’homosexualité. Les villes et les bourgs ouvrent ainsi officiellement des maisons municipales de prostitution ou bien désignent les quartiers de la cité, généralement ses faubourgs, où la prostitution sera tolérée.

Vidéo : la prostitution des mères célibataires, et les bordels de l’Église

Dieu vous le rendra

Une richesse pour le clergé et les municipalités

Les municipalités profitent de ce commerce et s’enrichissent en prélevant des taxes sur les maisons publiques ou en mettant les fillettes à l’amende. On constate souvent, en dépouillant les registres de comptes, que les loyers et les rentes tirés des maisons de prostitution sont traités au même titre que les autres revenus, y compris dans les registres des abbayes. Au XIIIe siècle, les canonistes admettent d’ailleurs la recevabilité des profits tirés de la prostitution à condition que la fille exerce par nécessité, et non par vice et plaisir. Les propriétaires des maisons, parfois des notables, n’ignorent rien des activités de leurs locataires, et encaissent sans vergogne les bénéfices. C’est le cas des familles Villeneuve et Baronnat à Lyon, de l’évêque de Langres ou de l’abbé de Saint-Etienne à Dijon.

Plus lucratif que les dons des fidèles

D’ailleurs, Voltaire rapportait que l’évêque de Genève administrait tous les bordiaux de ces terres. Dominique Dallayrac va même jusqu’à avancer que la prostitution amena plus de richesse au clergé que tous leur fidèles réunis. St-Thomas d’Aquin raconte également que des moines perpignanais organisaient une collecte de fond pour ouvrir un nouveau bordel, dont ils vantaient le mérite; « oeuvre sainte, pie et méritoire ». D’ailleurs, La chose ira encore plus loin, car en 1510, le pape Jules II fit construire un bordel strictement réservé aux chrétiens.

La Chapelle Sixtine financée grâce à la taxe sur la prostitution

Pour renflouer les finances du Vatican et payer les corporations travaillant sur la chapelle qui portera son nom, le pape Sixte IV (1414 – 1484) eut l’idée géniale de taxer toutes les prostituées et les prêtres concubinaires dans les Etats Pontificaux, y compris Rome. Cette taxe rapporta au Vatican 30.000 ducats par an. Une véritable fortune. Selon les données statistiques de 1477, il y avait 6.300 prostituées reconnues officiellement et des nombreux célibataires. Le projet avait été lancé en 1046 par le Pape Clément II, Suidger de Morsleben et Hornburg (1005-1048) d’origine allemande, qui avait obligé toutes les prostituées romaines à verser un impôt au saint-siège sur chaque rencontre avec un nouveau client.

S.S. Sixte IV, un pape pédéraste, incestueux et proxénète

Afin de profiter de cette manne financière, le pape Sixte VI (1414 – 1484) acquis lui-même une maison close devenant un proxénète. Jusqu’à son élection, Sixte IV jouissait d’une bonne réputation. Sous son pontificat, il fit l’objet de jugements controversés dus à l’emprise que ses neveux prirent sur lui. De fait, il nomma cardinal de nombreux jeunes gens, célèbres par leur beauté, parmi lesquels son neveu Raphaël Riario – cardinal à 17 ans, accusé d’être son amant. On prétendit aussi que le goût du pape pour les garçons était notoire. Le théologien Balaeus (xvie siècle) assure de manière peu vraisemblable que Sixte IV aurait donné aux cardinaux « l’autorisation de pratiquer la sodomie pendant les périodes de grandes chaleurs ». C’est ce que l’on appelait alors le « vice italien ». Aujourd’hui encore, la majorité sexuelle au Vatican est de 12 ans.

La vie sexuelle des papes
Meurtres, prostitution, pédérastie
Tiré de « L’Écho des Cantons » no. 7, septembre 2000.

Le palais papal, un lieu maudit

C’est un pape aux mœurs corrompues, Léon III (du 26 décembre 795 au 12 juin 816) qui couronna à Rome au mois de décembre de l’an 800, l’empereur Charlemagne (742-814). Étant réputé pour aimer la bonne chère, le vin et surtout les plaisirs charnels, Léon III échappa à une tentative d’assassinat complotée par deux prêtres désireux de débarrasser Rome et l’Église de ce pape dépravé. Étienne IV (du 22 juin 816 au 24 janvier 817) ne fut pape que quelque mois, mais son successeur, Pascal 1er (du 25 janvier 817 au 11 février 824) mena une vie de débauche qui, pendant les sept années de son pontificat, fit de la ville sainte et du palais papal des lieux maudits où libre cours sexuel était donné a toutes formes de perversions inimaginables.

Le lupanar privé du pape

Venu a Rome pour se faire sacrer empereur, Lothaire (795-855), petit-fils de Charlemagne, fut scandalise par tout ce désordre et fit des remontrances très sévères a Pascal. Le saint-père promit a Lothaire de reformer ses mœurs mais des que celui-ci eut le dos tourné, Pascal Ier emprisonna deux humbles prêtres pour avoir dénoncé ses comportements pervers. Comme sentence exemplaire on leur arracha la langue et les yeux avant de les décapiter. Plus tard, le pontificat de Léon IV (du 10 avril 847 au 12 juillet 855) sembla être au-dessus de tout soupçon jusqu’au jour où certains chroniqueurs de l’époque affirmèrent que le pontife avait installé dans sa propre maison un couvent de religieuses afin de s’adonner avec celles-ci a des plaisirs sexuels  » très torrides « .

La légende de la papesse Jeanne

C’est a partir de la fin de la papauté de Léon IV que naquit plusieurs légendes a connotations sexuelles qui fortifièrent l’histoire de la papesse Jeanne. Il est très peu probable qu’une femme ait succédé a Léon IV sur le trône de la chrétienté, vers l’an 856, comme le veut la légende qui prit naissance au milieu du 13ème siècle, et racontée par l’entremise des chants des troubadours et des ménestrels.

Un pape gay en prison, assassiné par ses « mignons »

Celle-ci fut vraisemblablement inspirée par l’histoire malheureuse d’un pape dévergondé du nom de Jean VIII (du 14 décembre 872 au 16 décembre 882). Jean VIII fut reconnu comme étant un pape débauché qui fut jeté plusieurs fois en prison parce qu’il ne s’occupait pas de ses charges pontificales. Ce pape homosexuel, qui aimait les jeunes garç0ns, connut une fin tragique aux mains des membres de la famille de l’un de ses  »mignons  » qui, trouvant que le poison qu’ils lui avaient administre n’agissait pas assez vite, lui fracassèrent le crane a coup de marteau.

Un pape drag-queen

Les soeurs de la perpétuelle indulgence - solidays 2011

D’autres sources mentionnent qu’au milieu du 9ième siècle, un prêtre anglais du nom de John, un homosexuel reconnu, avait gagne la faveur des cardinaux de Rome, a un point tel qu’il a failli être élu pape a la mort de Léon IV en l’an 855. C’est probablement a la mémoire de ce John aux allures très efféminées, communément appelé Jeanne par ses intimes, que naquit la légende de la papesse qu’on disait d’origine anglaise. Les troubadours et les ménestrels du 13ieme siècle ajoutèrent a cette histoire, en signe de dérisions et de moqueries, que John aurait pu accoucher d’un enfant le jour même de son couronnement car rien dans son comportement sexuel n’indiquait « … qu’il est un homme … ». Ainsi fut fomenté dans la confusion et par les esprits tordus la légende de la célébré papesse Jeanne.

Rome, ville du vice et de la débauche

Le calme revint a Rome sous le pontificat de Jean IX (du mois de janvier 898 a janvier 900) mais ce fut de courte durée car lorsque Benoît IV prit le trône de Saint-Pierre (du mois de février 900 au mois de juillet 903) la corruption redevint maîtresse dans la  »Cite éternelle » pendant, hélas, de très nombreuses décennies. Afin d’illustrer avec plus de précisions cette ambiance qui régnait a Rome pendant tout le 10ème siècle, citons ce roi d’Angleterre, Edgar dit le Pacifique (944-975) qui, s’adressant a ses évêques, donna une description peu flatteuse de ce qu’il avait vu lors d’un de ses voyages dans la ville des papes.
 » On ne voit a Rome que débauches, dissolution, ivrogneries et impuretés … les maisons des prêtres sont devenues les retraites honteuses des prostituées, des bateleurs, jongleurs, équilibristes, acrobates, etc… et des sodomites (homosexuels) … on joue nuit et jour dans la demeure du pape … les chants bachiques (chansons a boire), les danses lascives et les débauches de Messaline ont remplacé jeûnes et prières. C‘est ainsi que ces prêtres infâmes dissipent les patrimoines des pauvres, les aumônes des princes ou plutôt, le prix du sang du Christ. » - Edgar dit le Pacifique (944-975), roi d’Angleterre
Messaline est l’épouse de l’empereur romain Claude (10-54), elle était reconnue pour se livrer a de la débauche de toutes sortes et même a la prostitution. Se sentant bafoué, son mari la fit assassiner lorsqu’il apprit qu’elle s’était mariée avec son jeune amant Silius.

Jean XII : le pornocrate

Jean XII est assurément un des papes ayant le plus choqué ses contemporains. Plusieurs fois d’ailleurs, des chroniqueurs l’ont qualifié « d’antéchrist siégeant dans le temple de Dieu ». Né Octavien, il accède à la papauté à l’age de 18 ans sous le nom de Jean XII. Le jeune pape est perçu comme un être grossier qui s’adonne à la débauche, transformant le palais du Latran en un véritable bordel. Déposé par un synode d’évêques qui le déclare coupable de sacrilège, de meurtre, d’adultère et d’inceste en 963, Jean XII parvient cependant à reprendre l’avantage sur Léon VIII, élu à sa place. Une légende raconte qu’il est mort d’une crise d’apoplexie en plain acte sexuel avec une femme mariée.

La famille maudite des Borgia
Borgia est le nom italianisé de la famille Borja, originaire du Royaume de Valence (Espagne), qui a eu une grande importance politique dans l’Italie du XVe siècle. Elle a fourni deux papes, ainsi que plusieurs autres personnages, dont quelques-uns ont acquis une fâcheuse renommée. La famille Borgia subi une réputation sinistre qui aurait été forgée par ses ennemis politiques. Les Borgia furent accusés d’empoisonnement, de fratricides, d’incestes… Ils furent les symboles de la décadence de l’Église à la fin du Moyen Âge.

Enfants illégitimes, bordels et inceste

C’était une puissante famille italo-espagnole de la Renaissance, dont sont issus des personnages célèbres qui étaient des champions de la « chasteté héréditaire ». Quelques exemples : un cardinal qui eut trois enfants, un pape qui en comptait neuf, et une duchesse qui accoucha de huit hommes différents dont, probablement, le pape et le cardinal déjà mentionnés, qui étaient, en plus, son père et son frère. Tristement célèbres. On les appelle Borja en Espagne, Borgia en Italie. Un nom qui, dans la Botte, jouit d’une très mauvaise réputation, non sans raison : le cardinal César (1475-1507), une fois abandonné l’habit de pourpre, devint un homme politique et un militaire au cynisme proverbial, qui inspira Le Prince de Machiavel. Son père Rodrigo (1431-1503), alias le pape Alexandre VI, réduisit Rome à une ville-bordel que Luther compara ensuite à Sodome ; enfin, la duchesse Lucrèce (1480-1519), intrigante et peut-être incestueuse, passa à la postérité comme un archétype de féminité négative.

Le pape du diable

Pope Alexander Vi.jpgAlfonso Borgia est intronisé pape sous le nom de Calixte III de 1455 à 1458. Il a un fils illégitime, François Borgia, cardinal-archevêque de Cosenza. Son neveu, Roderic Llançol i de Borja, le rejoint en Italie où il prend le nom de Rodrigo Borgia. Il est pape sous le nom d’Alexandre VI de 1492 à 1503. Un des témoins les plus crédibles de la conduite scandaleuse du pape Alexandre Borgia est Jean Burckhardt (ou Burchard), de Strasbourg. Ce prélat, maître des cérémonies de la cour pontificale, tint de 1483 à 1508, un journal très précis relatant jour par jour, parfois même heure par heure, tous les événements se passant au Vatican.

Au moins 6 enfants illégitimes

En 1470, alors qu’il a déjà été ordonné prêtre, Rodrigo Borgia fait la connaissance de Vannozza Giovanna Cattanei, jeune patricienne romaine, qui lui donnera ses quatre enfants préférés (Jean ou Joan, César, Lucrèce, et Geoffroi ou Jofre). En 1489, nouvelle liaison avec la jeune et jolie Giulia Farnèse qui n’a que 15 ans, dont la demeure était directement reliée à Saint Pierre. Rodrigo Borgia a alors 58 ans. De leur union naîtra une fille, Laura, qui sera présentée comme l’enfant légitime d’Orso Orsini, époux officiel de Giulia Farnèse. Il avait déjà eu un fils Pedro-Luis de Borja légitimé par Sixte IV. Une troisième amante, disait-on, était peut-être sa propre fille Lucrèce (1480 – 1519). Elle est célèbre pour sa beauté autant que pour ses mœurs dissolues : un fils né de ses amours incestueuses avec son frère César, quelques bâtards, une activité d’empoisonneuse, etc.

Viol sodomite et danses orgiaques de 50 prostituées

Les orgies étaient pour Alexandre VI, une distraction à plein temps, sans discrétion aucune, sans discrimination de classe ni tabou de parentèle. Francesco Guicciardini rapporte un épisode au cours duquel le pape attire au Château Saint-Ange le jeune et beau Astorre Manfredi, seigneur de Faenza, qu’il viole et fait jeter dans le Tibre. Mais il pourrait également s’agir de César Borgia qui tenait prisonniers les deux frères Manfredi. Les scandales continuent au Saint-Siège, et ce malgré les remontrances du frère dominicain Jérôme Savonarole :

«Arrive ici, Eglise infâme, écoute ce que te dit le Seigneur […]. Ta luxure a fait de toi une fille de joie défigurée. Tu es pire qu’une bête: tu es un monstre abominable»

Sans scrupules, ni remords, Alexandre VI fait face : Savonarole est arrêté, torturé et meurt sur le bûcher le 23 mai 1498. Selon Jean Burckhart, témoin muet, mais indigné, la débauche du pape Alexandre et de sa progéniture atteint son paroxysme en cette nuit orgiaque du 31 octobre 1501 avec l’évocation de la danse de cinquante prostituées entièrement nues et d’un concours arbitré par César et Lucrèce pour évaluer et récompenser les prouesses de virilité des assistants. Les dépêches envoyées aux cours d’Europe par leurs ambassadeurs et figurant dans de nombreuses archives diplomatiques confirment l’incroyable témoignage du Père Burckhardt. On comprend dès lors pourquoi tant de récits faisant référence à des pactes avec le Diable ont pu circuler à la mort d’Alexandre VI.

Les types de prostitution

Les historiens, scientifiques et sociologues Lombroso et Ferrero (1896) ont classifié la prostitution médiévale en quatre catégories :

Les plaisirs charnels du Christ

La prostitution sacrée issue du culte antique de la femme, avec, au début du Ve siècle, les nicolaïtes, femmes qui, attendu l’incarnation du Christ, prônaient que Jésus fait homme avait dû éprouver lui-même les voluptés du corps. Unies aux gnostiques, elles ont essaimé jusqu’au XIIe siècle, en plusieurs sectes vouées au contentement de la chair. En 1373, réapparaît en France une de ces sectes, anciennement les Picards devenus les Turlupins dont le plaisir était de forniquer en public. Dans le catholicisme, les femmes stériles et les maris impuissants ont longtemps prié les Saints Paterne, Guerlichon ou Guignolet, dignes héritiers du dieu Priape, dieu de la virilité, de la fertilité et de l’amour physique. Même réprouvées par l’Église, ces pratiques se sont poursuivies qu’à la Révolution.

Garnir la couche de son hôte avec ses serfs

Le second type de prostitution est appelé prostitution hospitalière : elle découle des coutumes ancestrales de l’hospitalité qui consistaient à « garnir la couche » de son hôte. Plus rarement pratiquée chez les paysans, elle était largement répandue chez les nobles et de nombreuses soubrettes et paysannes, tenues en servage, se prostituaient ainsi contre leur gré.

Une épouse en CDD

Le troisième type est la prostitution concubinaire. Le concubinage n’a jamais été, dans la France catholique, béni religieusement. C’est le versement d’une pension d’entretien qui servait de contrat nuptial que seuls un divorce ou la mort pouvaient rompre.

Enfin, on trouve, sous quatre formes, la prostitution civile :

• Les bordels privés de la noblesse et du clergé : L’abbé, l’abbesse, l’évêque, le baron, le seigneur féodal accueillent chez eux l’équivalent d’un bordel généralement payé par leurs fidèles ou leurs vassaux; les deux sexes y sont couramment représentés;

• Les paysannes au service sexuel des curés : Dans les monastères, les bons pères réquisitionnent régulièrement les paysannes des alentours qu’ils convainquent de se taire de peur des foudres divines;

• Les nonnes-putains pour un dieu proxénète : Plusieurs mères supérieures des couvents persuadent leurs religieuses de se prostituer pour amasser, au nom de leur divin époux auquel elles ont de toute façon livré à tout jamais leur corps vertueux, quelques compléments à la dîme;

• Femmes-objets pour payer les impôts : Au Moyen-âge, le royaume de France est loin d’être consolidé et les guerres entre prétendants à la royauté livrent la paysannerie à des impôts ruineux, dont la taille. Plusieurs fuient la campagne pour la ville où la misère qui sévit contraint filles et jeunes femmes orphelines, abandonnées ou vendues, veuves et épouses désespérées à livrer leur corps en pâture. La prostitution foisonne avec ses classes de prostituées.

Le statut des prostituées

Durant la période médiévale, la quasi-totalité des prostitués est constituée de femmes. La prostitution masculine fleurit aussi, mais seulement dans la clandestinité en raison de la sévère condamnation de l’homosexualité par l’Église. Cette dernière entretient à l’égard des femmes un double discours qui explique, en grande partie, l’ambivalence de ses prises de position. La femme est certes synonyme de tentation et de luxure, mais curieusement elle occupe un rôle social plus égalitaire que celui qui va redevenir le sien à la Renaissance.

La prostitution civile revêt quatre motifs, explicatifs des divers statuts et mécanismes différents de répression :

  • La luxure qui découle de la prostitution sacrée. Ses adeptes sont considérés comme des hérétiques et châtiés par l’Église et le pouvoir;
  • La pauvreté, lot des femmes démunies. Cette forme est plus ou moins tolérée par l’Église selon la sévérité de ses cardinaux du moment et réglementée par le pouvoir seigneurial ou royal selon ses humeurs et pénitences;
  • Le concubinage, lot de femmes devenues courtisanes, protégées par leurs concubins et par les apparences d’une vie de rentière; certaines prostituées de haut rang peuvent s’afficher dans la cour des gens de la noblesse. On peut d’ailleurs difficilement d’apparence les différencier d’autres femmes de leur entourage, même si la plupart du monde connaît leur identité;
  • Le commerce dont l’exercice est orchestré par des sources diversifiées : clergé, noblesse, bourgeoisie, tenanciers ou tenancières. Le clergé va, de temps à autre, procéder à de sévères répressions dans ses rangs, la noblesse graduellement se défaire de ses propres bordels pour choisir le concubinage ou la fréquentation plus ou moins discrète des maisons de débauche.
  • Les filles légères « prostitution libérale » : Ces filles travaillent pour leur propre compte, elles vont d’hôtel en hôtel ou possèdent leur propre chambre. Ces femmes deviennent petit à petit des courtisanes : prostituée de luxe, maîtresse de riches marchands ou notables. Les courtisanes deviennent réellement importantes à la fin du XV°.
Carrière d’une fille de joie

Mères célibataires, vierges violées, veuves ou répudiées

Les prostituées le sont pour des raisons financières, parce qu’elles sont sans ressources pour une raison ou une autre : tel est le cas pour les étrangères à la ville, les migrantes venant de la campagne, les filles exclues du système matrimonial parce qu’elles ont été violées, parce qu’elles sont des servantes enceintes et chassées, parce qu’elles sont veuves ou abandonnées. Mais il existe aussi une prostitution moins miséreuse, de femmes qui reçoivent discrètement chez elles des hommes de bonne condition, et que le voisinage tolère plus ou moins bien. La plupart des prostituées le sont, comme de nos jours, par utilité ou obligation. Dans ce contexte, la très grande majorité des prostituées est cantonnée dans les basses classes de la société, même si quelques-unes d’entre elles, devenues maîtresses de gens importants, parviennent à y échapper.

Ne pas ressembler à une épouse légitime

Faire commerce de ses charmes est longtemps vu comme une profession comme une autre. Les «putassières » demeurent cependant facilement identifiables. Il leur est, en effet, interdit de porter vêtements ou accessoires démontrant le luxe. Broches, fourrures et autres vêtements peuvent leur être sommairement confisqués.

L’abbesse encaisse un tiers des gains pour un toit

Les filles de joie racolent à peu près partout : bains publics, boisés, buissons, ruelle ou rue réservées à leur pratique, cour des nantis et autres endroits insolites. Cependant, les lieux dédiés aux habitués sont les bordels municipaux, que l’on appelle à cette époque «bourdeaux» ou «bon hostel». Ils sont souvent administrés par une maquerelle, souvent une femme mariée, appelée «abbesse», douce vengeance contre le clergé. Cette dernière encaisse le tiers des gains de ses filles en échange de leur pension. Il est donc très aisé de trouver remède à une envie pressante…

La contraception naturelle

Les pratiques sexuelles, pour ce que l’on peut en savoir, semblent être communément orales, anales, manuelles et interfémorales, les femmes fuyant le rapport vaginal pour des raisons contraceptives.

Fin de carrière : abbesse, mariage ou couvent

La fin de « carrière » est estimée autour de la trentaine, mais aucune source ne permet d’affirmer cet âge. Dès lors que les filles ne peuvent plus se prostituer, plusieurs choix de vie s’offrent à elles :

  • Devenir à leur tour tenancière – abbesse
  • Retraite dans le repentir « fondation Sainte Marie Madeleine
  • Le plus souvent, c’est le mariage qui les fait sortir de leur condition. En effet, épouser une fille de joie est considéré comme une œuvre pieuse par l’Eglise.
La répression du vice

Mais toléré au nom de la morale conjugale schizophrène

Le rôle joué par l’Église et particulièrement ambigu. D’une part, et ce, depuis Saint-Au­gustin, elle voit la prostitution comme un mal inévitable qu’on ne peut enlever d’une société sous peine d’avoir d’autres maux. D’autre part, par son obligation morale, elle réprime à l’aide de ses tribunaux ecclésiastiques non pas les prostituées, mais les tenanciers et autres entremetteurs au nom de la morale conjugale.

Les putains des soldats de Dieu

En ces temps de guerres et de croisades, notons que les soldats et les croisés ne font pas exception à la tentation : un cortège de femmes suit l’armée, même celle de Dieu, lavandières comme prostituées. Les phases de défaites correspondent à un redressement des mœurs et vice-versa. Il faut comprendre que, lorsque les troupes commencent à perdre, les autorités le mettent sur le dos de leur honteuse débauche. Cependant, lorsqu’elles gagnent, les interdictions sont levées, et ainsi de suite, de victoires en défaites. Chose certaine, il y a du travail pour ces filles de joie qui vont parfois jusqu’à planter leur tente parmi celles des soldats. Leur réputation est cependant mauvaise, Jeanne d’Arc, par exemple, chassa les ribaudes qui suivaient son armée.

Esclaves rasées pour laver leurs péchés

Entre 1254 et 1269, Louis IX décide quand même d’éradiquer toute prostitution. Des lois qui permettent alors aux autorités d’incarcérer les demoiselles de joie sont mises en vigueur. Les prostituées qui sont capturées sont cependant envoyées dans des prisons toutes spéciales, où les conditions de vie sont misérables. Confiées à la garde de religieuses acariâtres et sadiques qui se croient désignées pour conjurer le vice, elles ont la tête rasée pour les humilier et on les fait travailler en quasi esclavage souvent jusqu’à une mort prématurée.

Les Sœurs Madeleine (film entier) : couvents-prisons pour mères célibataires, prostituées, séductrices, fornicatrices et adultères, en 1964 en Irlande.

  • 1254 : Ordonnance de Louis IX interdisant la prostitution, les personnes prostituées sont expulsées des villes et tous leurs biens sont saisis, jusqu’aux vêtements; et les proxénètes sont punis par des amendes équivalentes à une année de loyer.
  • 1256 : Nouvelle ordonnance de Louis IX qui revient sur l’interdiction stricte de la prostitution. La personne prostituée n’est plus que reléguée hors des murs des cités et loin des lieux de culte.
  • En 1269, Saint Louis, qui s’apprête à embarquer pour la huitième croisade, demande à nouveau d’extirper le mal du royaume. À nouveau, la clandestinité des prostituées et le désordre créé font fléchir le roi qui fait ouvrir des centres de reclassement pour les femmes publiques à Paris. Le pragmatisme fait d’ailleurs que les filles publiques sont non seulement admises, mais subsidiées pendant la huitième croisade. Les livres de comptes royaux font état de 13000 prostituées à payer pour le suivre à la guerre…

L’inefficacité de la répression est patente. A la fin du Moyen Age, filles publiques, secrètes ou vagabondes pullulent dans les rues des villes, investissent étuves et hôtels princiers. Le temps où ces femmes, jugées impures, étaient interdites de mariage, semble désormais dépassé ; mais à bien y réfléchir, les ordonnances de Saint Louis étaient déjà en leur temps parfaitement irréalistes.

Prisons pour prostituées, fornicatrices, adultères, pauvresses et célibataires

Du XVIIe au XIXe siècle, la période moderne est marquée par la volonté de lutter contre la prostitution. Parfois les mesures visent son éradication, par l’emprisonnement ou le bannissement. Mais beaucoup de ces mesures sont assez vite oubliées ou pas du tout appliquées. Certains comportements sont nouveaux : des asiles s’ouvrent pour les femmes repenties, que vont bientôt rejoindre celles que l’on considère comme risquant de tomber dans la prostitution parce que pauvres et célibataires. Des ordonnances précisaient même de n’admettre que les jolies filles, les laides « n’ayant pas à craindre pour leur honneur ». L’Angleterre, puis l’Espagne, créent de tels établissements. En 1658, Louis XIV ordonne d’emprisonner à la Salpêtrière (Hôpital Général) toutes les femmes coupables de prostitution, fornication ou adultère, jusqu’à ce que les prêtres ou les religieuses responsables estiment qu’elles se sont repenties et ont changé.

La Salpêtrière de Paris sous l’Ancien Régime : lieu d’exclusion et de punition pour femmes

A son ouverture, en 1656, la Salpêtrière de Paris s’impose comme le plus grand établissement d’enfermement de femmes à l’époque moderne. Elle est chargée d’accueillir les femmes, jeunes filles et enfants mais aussi des couples sans ressources. En 1666, dix ans après l’édit d’établissement, la Salpêtrière accueillait 2322 pauvres. En 1684, Louis XIV ajouta à l’hospice, une prison, la « maison de force », pour les femmes prostituées, débauchées et condamnées, à laquelle on adjoignit un bâtiment pour les femmes et les filles détenues à la demande de leurs maris ou de leurs parents. La Salpêtrière comporta donc : un hospice et une prison pour les femmes.

Les pauvres mendiants qui ne se seront pas rendus à la Pitié dans les délais prévus y seront amenés de force par les officiers de police. La loi interdit la mendicité « à peine du fouet contre les contrevenants, pour la première fois ; pour la seconde, des galères contre les hommes et garçons, et du bannissement contre les femmes et filles ».

Pour changer la morale et les mœurs des femmes égarées

Dès le règlement du 20 avril 1684, une nouvelle catégorie de la population parisienne est à enfermer : les femmes débauchées. Et c’est à la Salpêtrière qu’elles devront être « enfermées ». Comme la mendicité, la débauche et la prostitution sont combattues avec acharnement pendant tout le XVIIe siècle. Outre la déportation dans les colonies, l’Hôpital général devient le principal mode de mise à l’écart des prostituées jusqu’à la fin du XVIIIesiècle. Les prostituées étaient déjà mises en cause dans le 101e article de l’ordonnance de 1560 promulguée par François II puisque cette ordonnance interdisait tout simplement la prostitution. Cette mesure aurait été prise suite à la progression rapide de la syphilis. Et c’est tout naturellement qu’on s’est attaqué à ce qui ne pouvait être qu’à la base de ce développement : la prostitution. Sous couvert de santé publique on épurait ainsi les rues de Paris d’un autre fléau, la « débauche publique et scandaleuse ». Les mesures d’internement contre les débauchés se multiplient dans ce siècle de moralisation de la société. Des maisons de force avaient déjà été créées et aménagées pour les débauchées. Ces établissements étaient ouverts, théoriquement, aux seules volontaires, et avaient pour objectif de changer la morale et les mœurs de ces femmes égarées. Le roi prévient que « les femmes d’une débauche et prostitution publique et scandaleuse, ou qui en prostituent d’autres, seront renfermées dans un lieu particulier destiné pour cet effet dans la maison de la Salpêtrière ». Les débauchées pourront y être enfermées sur décision de justice. Après l’ordonnance du roi du 20 avril 1684, un inspecteur est chargé de la police des mœurs. Il est chargé, jour et nuit, de les arrêter et de les conduire au dépôt Saint-Martin, passage obligé des futures condamnées. Le lendemain, les femmes arrêtées comparaissent à l’audience du grand Châtelet. Les femmes condamnées, escortées par des archers, sont alors emmenées en charrette, dont les planches sont recouvertes de paille, à travers les rues de Paris, à la vue de tous, jusqu’à la Salpêtrière.

Pour réprimer la libération des femmes

Avec le XVIIIème siècle, une grande liberté des mœurs oblige la société à réagir. La police va être une grande pourvoyeuse de nos hôpitaux : se moquer du roi, de la religion, contrevenir à l’ordre public, désobéir à l’autorité paternelle, manquer à l’honneur familial, se débarrasser de sa fille ou de sa femme, être protestante, hérétique, révoltée ou troubler l’ordre public sont très souvent des fautes méritant l’incarcération des femmes à la Salpêtrière. C’est de plus en plus un bagne pour les femmes avec des travaux forcés et de sévères châtiments. Pourtant dans le même temps apparaît une timide humanisation avec l’arrivée de Tenon à la Salpêtrière en 1748. Il va y améliorer l’hospitalisation de ses malades. Quant aux folles, elles arrivent à la Salpêtrière pour y achever, souvent enchaînées, le reste de leur vie.

La déportation des filles de honte

Les fillettes abandonnées à la naissance étaient recueillies, élevées, éduquées, placées pour un travail et mariées par l’institution après enquête sur le conjoint (« les noces des orphelines »). Colbert trouva bon de peupler nos nouvelles colonies d’Amérique avec quelques-uns de ces jeunes orphelins et orphelines en les mariant « à la chaîne » (60 couples dans une matinée) lors de grandes cérémonies à l’église Saint-Louis de la Salpêtrière. Cette pratique s’est poursuivie sous la Régence. L’Angleterre commence à déporter aux Antilles les filles des maisons fermées : elles sont 400 après la fermeture des maisons de Londres en 1650 ; on estime à 10 000 celles qui rejoignent de force l’Amérique de 1700 à 1780. L’aristocratie européenne semble particulièrement violente dans sa façon de vivre la sexualité et, contrairement au Moyen Âge, on a pour ces siècles des récits de brutalité dans les établissements où orgies, coups, flagellation, débauche de mineurs sont courants. La société dans son ensemble est caractérisée par la violence sexuelle et, dans les campagnes comme dans les villes, des bandes organisées attaquent les femmes isolées pour des viols collectifs accompagnés de sévices.

Un métier commun

3000 bordels parisiens

Force est de constater que, malgré les interdictions et les principes moraux, tous les niveaux des autorités civiles et religieuses comptabilisent les revenus des bordels qu’ils gèrent sans scrupule, à titre de revenus standards, comme les taxes ou les dons. À la fin de Moyen-âge, au temps du poète et brigand François Villon (1431-1463?), Paris compte plus de 3000 bordels. Pendant très longtemps, on prétexte que la prostitution est un exutoire pour éviter le viol et l’adultère. C’est pourquoi elle est alors tolérée et pourquoi l’Église tente de réhabiliter les pécheresses repentantes.

13% des femmes se prostituent

À la veille de la Révolution française, on évalue à 30 000 les simples prostituées de Paris et à 10 000 les prostituées de luxe ; à Londres, elles seraient 50 000, ce qui est une preuve de l’échec des mesures de répression. A la fin du XVIIIe siècle, on évalue à 40 000 le nombre de personnes prostituées à Paris (13 % de la population féminine). Pour mesurer l’ampleur du phénomène, la plupart des historiens contemporains soulignent que si la proportion de prostituées était la même aujourd’hui (environ 13 % des femmes), on aurait pour Paris intra-muros une population de plus de 100 000 prostituées.

Un quart de parisiens clients : des recettes juteuses pour l’État

La IIIe République est l’âge d’or des maisons closes qui font partie intégrante de la vie sociale. L’État, et notamment le fisc profitait de ce commerce en prélevant 50 à 60 pour cent sur les bénéfices. À Paris, ils sont environ 200 établissements officiels, sous le contrôle de la police et des médecins, ainsi que d’innombrables bordels clandestins qui comptent alors 15 000 prostituées. De 1870 à 1900 environ, il y a 155 000 femmes officiellement déclarées comme prostituées, mais la police en a arrêté pendant la même période 725 000 autres pour prostitution clandestine (soit 30 000 par an). En 1953, les estimations les plus basses sont de 40 000 prostituées à Paris (les plus hautes parlent de 70 000), tandis que les bordels clandestins (les clandés) se multiplient (500 à Paris). La police estime à 40 000 clients par jour la fréquentation des diverses maisons, ce qui équivaudrait à dire que le quart des hommes parisiens avait des relations avec les prostituées.

 

tiré de http://matricien.org

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Published by coutoentrelesdents - dans GENRE
15 avril 2013 1 15 /04 /avril /2013 11:57
C’est presque un sujet du bac de philo : le langage forme la pensée. Pour un monde moins sexiste, il faudrait donc rendre les femmes plus visibles dans la langue. Voyons comment.

Dans l’introduction du Deuxième Sexe, Simone de Beauvoir décrivait la femme en tant qu’Autre, face à un homme qui est « le Sujet », « l’Absolu ». Cette observation se traduit parfaitement dans la langue française, où il n’existe pas de genre neutre et où c’est le masculin qui remplit cet office. Ainsi quand l’Académie française refuse la féminisation de certains noms en arguant que le masculin est « le genre non marqué », cela ne fait que confirmer ce que de Beauvoir dénonçait.

Les féministes et les militant·e·s queer ont trouvé des moyens de contrer cette « invisibilisation » du genre féminin, lorsque l’on parle d’un groupe de personnes ou de quelqu’un dont le sexe n’est pas connu (par exemple, « l’usager » dans un texte administratif).

Le plus simple est d’utiliser des mots épicènes, c’est-à-dire non marqués par le genre, pouvant être employés indifféremment au féminin ou au masculin. Je pourrais par exemple parler des « personnalités politiques » plutôt que des « hommes politiques ». L’avantage de cette méthode est de ne pas gêner la lecture par des bizarreries typographiques ; elle peut par contre conduire à des périphrases qui alourdissent le texte.

La typographie du langage non sexiste

Pour ce qui est des « bizarreries typographiques », on a vu depuis un moment apparaître des « lycéen(ne)s », des « musicien(ne)s » et des « député(e)s ». Cet usage plein de bonne volonté peut pourtant être jugé discriminant : on met littéralement le féminin entre parenthèses. C’est également le cas de la barre oblique (« instituteurs/trices ») car elle sépare les deux genres.

Que peut-on alors utiliser ? Beaucoup préfèrent le point médian (« les personnes  motivé·e·s »), neutre typographiquement. Il s’obtient en maintenant la touche Alt enfoncée et en tapant 250 sur le pavé numérique – sur les claviers Mac c’est en tapant Alt+majuscule+F. Apprécié également : le trait d’union, qui est littéralement… un trait d’union (cela donne « chanteurs-euses »). Enfin le E majuscule (« intelligentEs »), très usité en Allemand, est controversé car il met davantage l’accent sur le féminin.

Guide du langage non sexiste 2532624859 d35095b9b7 z« Le féminisme est l’idée radicale que les femmes sont des personnes »

Les néologismes

Le niveau supérieur, c’est de créer des mots trans-genres : « illes » ou « els » au lieu de « ils » (masculin générique) ou « ils et elles » (doublage, qui peut devenir lourd s’il est utilisé tout au long d’un texte). Ces mots surprennent au premier abord, mais s’ils sont utilisés régulièrement ils alourdiront moins le texte qu’un doublage systématique.

On peut également écrire « celleux » ou « ceulles » pour « celles et ceux », ou encore « chercheuseurs » ou « chercheureuses » (bon, ça fait un peu « heureuse ») pour « chercheuses et chercheurs ». Plus fluide, un syndicat québécois a créé le néologisme épicène de « professionnèles » (sur le modèle de « fidèle », naturellement épicène) : on l’appelle désormais la Fédération des professionnèles.

Pour désigner quelqu’un sans connotation de genre (« ni il, ni elle », par exemple pour une personne qui ne s’identifie ni au féminin ni au masculin) on peut utiliser « elli » ou « yel » – mais il est extrêmement rare de rencontrer ces mots.

La grammaire

Dernier niveau, qui nécessiterait une grosse révision de la langue française : modifier la règle « le masculin l’emporte sur le féminin ». L’année dernière plusieurs associations avaient lancé une pétition pour revenir à la règle de proximité (qui a eu cours jusqu’au XVIIIe siècle) : un adjectif se rapportant à plusieurs noms s’accorde au nom le plus proche. Selon ce principe, la pétition s’appelait « que les hommes et les femmes soient belles ».

Là encore, la conservation de la règle actuelle est justifiée par le fait que le masculin est le neutre. Un argument qui n’en est pas vraiment un, puisqu’il entérine dans le langage des schémas sexistes.

Pour mémoire, ce sujet avait été abordé sur les forums de madmoiZelle, avec un sondage demandant « Faut-il en finir avec notre grammaire sexiste ? ». Un tiers des répondantes avaient choisi « Oui, c’est essentiel pour l’égalité homme-femme » tandis que 15% avaient jugé que « La langue c’est sacré », 27% que « Ces revendications féministes sont ridicules » et 24% que « Le débat [était] sans intérêt ».

La grammaire française n’évoluera probablement pas à ce sujet avant un bon moment, mais les initiatives plus modestes évoquées plus haut peuvent se propager naturellement. Allez-vous essayer de les utiliser, ou trouvez-vous qu’elles sont inutiles et ne font qu’alourdir les textes ?

Ça vous a plu ? Faites tourner

 

 tiré de http://www.madmoizelle.com Pondu par Lady Dylan le 12 juin 2012 

 

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Published by coutoentrelesdents - dans GENRE
13 avril 2013 6 13 /04 /avril /2013 16:01
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Alors que les opposants au mariage pour tous et à l’égalité des droits ont choisi de faire du genre, au plutôt de ce qu’ils appellent « la théorie du genre » la cible de leur combat, les bons petits soldats du syndicat étudiant de droite UNI, devant lequel Claude Guéant avait affirmé que toutes les civilisations ne se valaient pas, leur emboîtent le pas. Pour cela, ils font circuler une « pétition contre la théorie du genre dans l’école élémentaire » (qui revendique 90 000 signataires) et viennent de créer, avec un« collectif contre le mariage et l’adoption homo », un site au nom accrocheur et trompeur puisqu’il se présente comme l’« Observatoire de la théorie de genre ». Il s’agit d’un « site internet d’information » apparemment neutre, bien que l’emploi de l’expression « théorie du genre » indique immédiatement qu’il s’agit plutôt d’un site réquisitoire contre les études de genre; le site se donne pour objectif d’« offrir aux Français les informations et les outils conceptuels nécessaires pour ouvrir les yeux sur les dangers que représente cette théorie ».

L’UNI n’est mentionnée qu’une discrète fois, sans être présentée. Remédions à cela en citant le syndicat lui-même  :

« C’est en réaction aux « événements de mai 1968 », que quelques étudiants et jeunes professeurs ont décidé de fonder l’UNI. Ils avaient compris, avant les autres, que l’objectif des agitateurs de « 68 » n’était pas seulement de mener une « révolte étudiante » mais bien de discréditer, pour mettre à terre, les repères et les institutions (famille, école, nation, armée, …) sur lesquels reposaient la société française. Il fallait donc une organisation capable de résister et de s’opposer sur le terrain à leurs méthodes et à leur dessein. Ce fut la mission que se fixa l’UNI ».

Des observateurs sérieux et objectifs ? Ou une offensive idéologique venue de la droite réactionnaire ?

1) Vous avez dit « théorie du genre » ?

Comme le rappelle AC Husson dans un précédent article, l’expression « théorie du genre » (lancée par le Vatican) dénote une méconnaissance, voire une ignorance du champ de recherches constitué par ce que l’Université française appelle les « études de genre ». Non seulement la traduction de l’anglais « theory » par « théorie » est impropre, mais parler de « LA théorie du genre » au singulier ne rend aboslument pas compte de la diversité et de la complexité des pensées, des travaux qui tentent de cerner et de définir le genre. Parler de « LA THEORIE du genre », c’est créer un fantasme par la simplification outrancière et trompeuse d’un champ d’étude en construction, animé de débats et de tensions qui n’en font pas l’expression d’une « théorie » uniforme. Cette méconnaissance foncière de l’objet que l’UNI voudrait observer est le premier problème du site : vous n’y trouverez pas un seul nom d’une des figures de la pensée du genre, le titre d’aucun ouvrage sur le sujet. Le nom de Butler n’apparaît que dans les articles du Figaro sur la question, repris dans la rubrique « Actualités » du site. Au fond, les « observateurs » observent quelque chose qu’ils ne se donnent pas la peine de connaître ou de présenter à leurs lecteurs. Il est vrai que construire un concept-fantasme taillé à la mesure des attaques qu’on veut lui porter est bien plus confortable. L’accusation du refus de la réalité, souvent adressée aux études de genre, se retourne ironiquement contre ses détracteurs.

2) Le vice anglo-saxon

Plutôt que de définir sérieusement ce contre quoi ils souhaitent lutter, les auteurs du site nous livrent les raccourcis et caricatures habituelles à propos du genre. Ils insistent d’abord sur le caractère étranger du « gender », « longtemps cantonné de l’autre côté de l’Atlantique ». Se développe toute une rhétorique de l’invasion et/ou de la contamination : « la théorie du genre a débarqué en France au début des années 2000, et depuis elle s’y développe très rapidement », « la déferlante de la théorie du genre n’est pas près de s’arrêter ». A l’instar des députés UMP demandant une mission d’enquête sur le développement des études de genre qui se « propagent » (selon les mots de Xavier Breton) en France. C’est oublier, un peu vite, deux éléments : d’une part, les « gender studies » sont nées aux Etats-Unis sous l’influence de la « French Theory », des écrits de Foucault, Lacan, Derrida, Deleuze… D’autre part, le mot « genre » existe en français puisqu’il désigne, en grammaire, le masculin ou le féminin. Le genre de la grammaire nous apprend d’ailleurs que cette assignation d’un mot au masculin ou au féminin est affaire de convention linguistique, d’autant plus que dans d’autres langues (qui parfois font place à un troisième genre, le neutre), un mot français féminin sera masculin et réciproquement.

3) La guerre contre la réalité

C’est devenu un grand classique, la faille essentielle des études de genre résiderait dans leur refus obstiné de la réalité au nom d’un constructivisme radical. Antienne que nos rigoureux « observateurs » entonnent volontiers :

« Il est très difficile pour le non-spécialiste de comprendre les enjeux et les implications de cette théorie, tant elle repose sur des présupposés idéologiques en contradiction avec la réalité que vit l’immense majorité de nos concitoyens. Le fondement de cette théorie consiste à nier la réalité biologique pour imposer l’idée que le genre « masculin » ou « féminin » dépend de la culture, voire d’un rapport de force et non d’une quelconque réalité biologique ou anatomique »

Aucune citation, aucune analyse précise des textes n’est proposée en soutien d’une argumentation qui tourne dans le vide. Faire le simple constat que les êtres humains sont des êtres sociaux et que les rôles masculins et féminins sont des constructions sociales qui s’appuient sur des représentations culturelles et engagent des rapports de pouvoir, n’est-ce pas plutôt décrire la réalité ? Le refus de rabattre la distinction « masculin » / « féminin » sur la distinction « mâle » / « femelle » (binarité qui fait d’ailleurs l’objet de débats) semble déjà poser problème aux auteurs du site. Pourtant, nous ne sommes même pas là dans les propositions les plus nouvelles et les plus radicales des études de genre. Par ailleurs, dire qu’une chose est construite ne veut pas dire que cette chose n’existe pas. Pour reprendre une métaphore d’Eric Fassin, je peux dire que le mur qui vient d’être construit n’existe pas, je m’y cognerai quand même. Nos concitoyennes qui subissent les conséquences de leur statut de femmes, avec toutes les inégalités et discriminations que cela implique, se heurtent chaque jour à cette réalité. Nos concitoyens qui se font insulter, agresser ou frapper parce que leur genre ne correspond pas au genre masculin attendu, sont bien conscients de cette réalité.

Tout se jouerait donc, selon les auteurs du site, dans une opposition genre/biologie. Les détracteurs des études de genre s’acharnent d’ailleurs à expliquer que celles-ci ne sont pas « scientifiques ». C’est oublier d’une part que d’autres sciences que les sciences expérimentales existent (les sciences humaines et sociales), et que plusieurs figures des études de genre sont des biologistes. On peut penser, entre autres, aux travaux d’Anne Fausto-Sterling (dont le livre Corps en tous genres vient d’être traduit en français), d’Hélène Rouch ou d’Evelyne Peyre, par ailleurs vice-présidente de l’Institut Emilie du Châtelet.

4) Une attaque contre la recherche

On pourrait écrire des pages et des pages pour corriger les distorsions et les contre-vérités présentes sur le site. Mais revenons au propos d’ensemble. Qu’attaque-t-on à travers la « théorie du genre »? Le site entretient constamment une confusion entre ce qui relève du scientifique (les études de genre) et ce qui relève du politique (la légitime éducation à l’égalité de genre dès le primaire devient, sous la plume des « observateurs », « l’enseignement de la théorie du genre dès 6 ans »). Or, les mesures politiques dénoncées sur le site sont présentées comme l’influence néfaste d’une « idéologie » qui voudrait substituer la lutte des sexes à la lutte des classes marxiste. Cette théorie sans aucune prise avec le réel aurait donc des déclinaisons pratiques que le législateur pourrait mettre en place… Mais nos « observateurs » ne sont pas à une contradiction près.

Réaffirmons-le simplement. Le genre n’est ni un parti ni un complot, ni une offensive idéologique concertée. C’est avant tout un concept, une catégorie d’analyse élaborée dans le champ scientifique. Dès lors, contre quoi s’agit-il de lutter lorsqu’on attaque « la théorie du genre », sinon contre tout un champ extrêmement vivace de la recherche ? Ce champ de recherche est en train de s’institutionnaliser en France, notamment sous l’impulsion de l’Institut du Genre. Nouvel outil d’analyse riche de potentialités, il attire de nombreux étudiants, suscite de nouveaux travaux et de nouvelles façons de faire de l’histoire, de la littérature, de la sociologie, de l’anthropologie… Comme tout champ de la connaissance humaine, les études de genre peuvent être discutées et soumises au débat. Encore faut-il pour cela se donner la peine de prendre réellement connaissance de ce que l’on dénonce. En revanche, on ne peut accepter la tentative de contrôle de la recherche que constitue une initiative comme la commission d’enquête (sic) sur le développement de la « théorie du genre » demandée par l’UMP. Il est regrettable que l’UNI, syndicat étudiant présent dans les universités, fasse le jeu de cette nouvelle forme d’obscurantisme.

Cyril Barde et AC Husson

tiré de http://cafaitgenre.org

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13 avril 2013 6 13 /04 /avril /2013 15:28
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